Afrique du sud, en terre Xhosa
Le 23 décembre 2016, après un mois et demi de mer dont une courte escale à la Réunion, nous touchons un continent pour la première fois depuis presque 8 mois : l’Afrique. L’océan Indien n’a pas été de tout repos et nous sommes plus qu’heureux à la perspective de passer du temps à terre. La première demi-heure de marche que nous faisons pour aller rendre visite aux douaniers de Durban nous fait presque souffrir. Nos jambes sont en carence d’exercice et nous le font savoir.
Noël approche à grands pas et les cadeaux qui vont avec aussi. Maroussia et Clémentine viennent voir leurs chéris Romain et Nicolas alors que Géraldine la maman de Thomas nous rejoindra juste avant le nouvel an. Cela fait vraiment du bien de revoir ceux que l’on aime. Les retrouvailles sont toujours aussi belles qu’excitantes, on a tellement d’histoires à se raconter !
Nous passons Noël sur le bateau dans la Marina de Durban. Rien de grandiose mais les sourires sont là. Puis nous partons rapidement en voiture découvrir la côte sud-africaine. Nous roulons de Durban jusqu’à Cape-Town en 5 jours. Les paysages que nous traversons sont très variés et tous plus beaux les uns que les autres. Il faudrait des années pour pouvoir apprécier toute la beauté et la diversité de l’Afrique du Sud.
Arrivés à Cape-Town, Thomas récupère Géraldine et rentre du côté de Durban pour aller profiter de quelques jours de safari alors que Romain, Nicolas, Maroussia et Clémentine restent quelques jours de plus pour visiter la ville du Cap. Nous aurons l’occasion d’y revenir avec Williwaw.
Le moment important de cette visite au Cap est la rencontre avec Lindy. Lindy est la propriétaire de l’appartement qu’ont loué les deux couples pour leurs quelques jours au Cap. Elle est une femme dynamique, enthousiaste, optimiste, souriante, drôle et a le coeur sur la main. La discussion bascule rapidement sur la raison de notre passage en Afrique du Sud et la mission de Sail for Water. Nous avions quelques contacts pour essayer d’organiser une mission dans les townships mais rien de concret jusqu’à présent. Lindy tombe aussitôt amoureuse du projet et se donne pour mission de nous aider dans l’organisation d’une distribution. Elle pense rapidement à un lieu magique qu’elle a visité quelques mois plus tôt. Lors de vacances avec des amis surfers, elle est partie sur la « Wild coast », côte sauvage en français, à l’embouchure de la rivière Mdumbi. Ces terres forment le Transkei, région d’où Nelson Mandela est originaire. Elle est restée dans le lodge de Justin et Lee-Ann. Un petit coin de paradis au doux nom de Swell Eco Lodge.
C’est un endroit où le temps est suspendu. La première ville est à une heure de piste et les ressources sont limitées. L’eau vient d’un puit, l’électricité d’une éolienne, les légumes des jardins avoisinant et les fruits de mer de la côte. Justin et Lee-Ann sont arrivés il y a quelques années sur ces terres qu’habite une tribu Xhosa. Ils sont vite tombés amoureux du lieu et du style de vie. En accord avec les locaux ils ont monté ce petit lodge et accueillent quelques touristes et surfers qui veulent se couper du monde moderne quelques jours. Ils font aussi beaucoup d’actions pour la communauté, cela fait parti de l’accord qu’ils ont passé avec les chefs de la tribu pour avoir un terrain et y installer leur lodge.
Lindy se souvient donc de cet endroit et de leurs problèmes d’accès à l’eau potable. Ils collectent l’eau de pluie dans de grandes citernes mais quand celle-ci vient à manquer, ils partent dans la rivière remplir leurs bidons. Quelqu’en soit la source, l’eau qu’ils consomment n’est pas vraiment potable. L’eau de pluie qui stagne des semaines dans ces citernes exposées en plein soleil est à coup sûr contaminée. Quant à l’eau de la rivière, elle transporte toutes sortes de déchets, d’excréments d’animaux voire même des animaux morts.
Lindy contacte rapidement Justin et lui parle de notre projet. Nous avons 200 filtres disponibles pour la communauté Xhosa. Justin n’hésite pas une seule seconde et voit là l’opportunité d’aider sa communauté en offrant un accès à l’eau potable à plus de 350 familles. Il nous propose même de nous héberger dans son lodge et de s’occuper d’aller acheter les 200 seaux dont nous aurons besoin. Tout est bien qui s’organise bien !
Le 3 Janvier 2017 Thomas, Nicolas et Géraldine se rejoignent à Durban pour prendre soin de Williwaw. Romain quant à lui nous rejoindra quelques jours plus tard. Le bateau a souffert durant cette longue traversée et il est temps de le bichonner. Au programme : changement d’un hauban dont plusieurs torons ont cédé, renforcement de la couture du génois que nous avions faite en mer, commande d’un nouveau spi, carénage de la coque, maintenance du moteur, grand ménage intérieur, pleins d’eau, de gasoil et de courses et enfin lessives du linge de maison et de celui de l’équipage. Cela nous prend quelques jours surtout qu’il nous faut patienter pour avoir une pièce pour le hauban.
Une petite anecdote s’invite dans la narration de cette préparation car elle vaut le détour. Pour faire le plein de gasoil en prévision des navigations capricieuses à venir nous devons faire appel à une société qui nous amène le gasoil en bidons. La marina n’a, en effet, pas de ponton réservé à cette effet. Trois messieurs arrivent donc avec tout un tas de bidons à vider dans le réservoir du bateau. Il va falloir siphonner les bidons un par un. Un des messieurs plonge une extrémité de son tuyau dans le bidon et l’autre dans notre réservoir. Nous nous demandons alors comment il va faire pour aspirer le gasoil depuis le bidon vers le réservoir. Nous le voyons encercler de sa main le tuyau autour de la bouche du bidon et coller ses lèvres entre sa main et le tuyau. Il prend alors une grande inspiration et souffle dans le bidon. La surpression qu’il crée force le gasoil à passer dans le tuyau et à venir se déverser dans le réservoir du bateau. Eureka ! C’est avec de grands yeux écarquillés que nous découvrons cette méthode toute simple mais à laquelle nous n’avions jamais pensé. Plusieurs fois nous avons aspiré du gasoil dans la bouche en voulant siphonner nos bidons. Avec cette méthode aucun risque de boire du gasoil. C’est une petite révolution sur Williwaw. Nous adoptons à l’unanimité cette nouvelle méthode de siphonnage pour le reste du voyage.
Il est temps de regarder la météo et de se préparer pour la navigation qui nous attend. Nous devons rejoindre East London à l’autre bout de la côte sauvage qui n’offre aucun abris. De là nous louerons une voiture pour rejoindre l’embouchure de la rivière Mdumbi et le lodge de Justin. La navigation jusqu’à East London n’est pas très longue mais est l’une des plus délicate de notre tour du monde. Nous avons environ 250 nautiques à parcourir ce qui est peu. Le problème, c’est que le vent souffle contre nous ces jours-ci, venant du sud-ouest. Il soulève une mer de vent assez désagréable qui est fortement accentuée par le courant des aiguilles qui file dans le sens inverse. Grâce à Claude, un vieux loup de mer ayant trois tour du monde à son actif et qui connait toute la côte sud-africaine comme sa poche, nous pouvons anticiper une fenêtre météo pour rallier East London. Ce n’est pas la fenêtre idéale mais il n’y en a pas d’autre annoncée par les modèles de prévisions météo avant un moment. Nous décidons donc de partir au moteur car le vent ne nous est pas favorable. Heureusement le courant des aiguilles est bien présent et nous filons à presque 10 noeuds de moyenne pendant les 27 heures de la traversée. Avec 210 nautiques en 24h nous pulvérisons le record de distance parcourue en une journée mais la délégation Williwawienne ne voudra pas l’homologuer pour cause d’aide extérieure.
Arrivés à East London, nous rencontrons rapidement Lindy qui nous rejoint pour la mission. Nous formons une belle équipe, avec nos trois marins, Géraldine et Lindy, prêts à découvrir les trésors du Transkei.
Après 6h de route dont 2h de piste nous arrivons enfin aux portes du lodge de Justin et Lee-Ann. La voiture est pleine de filtres et nous avons de la chance que Justin ait déjà ramener les seaux sur place. A notre arrivée, nous faisons également la rencontre d’un joyeux couple de vendéens, Antoine et Chloë, à qui le projet plait tout de suite. Ils proposent de se joindre à nous pendant les distributions. Nous acceptons avec joie, heureux de pouvoir partager ces moments de bonheur pur.
Justin nous parle alors de l’organisation. Dès le lendemain matin nous rencontrerons Darhoy, notre interprète anglais-xhosa, et nous partirons installer des filtres dans l’école de la communauté. Le jour suivant, nous réunirons les habitants et leurs chefs pour installer équitablement tous les filtres restants. Mais en attendant, l’heure est à la dégustation d’huitres fraichement pêchées dans la l’embouchure de la rivière, bien sur accompagnées d’une bonne bouteille de champagne.
Le lendemain matin, après une bonne nuit de sommeil, les conditions de surf sont excellentes et Justin, ancien surfer de l’équipe sud-africaine, nous propose de surfer avec lui avant notre réunion avec Darhoy. Cela fait plus de deux mois que nous n’avons pas ramer et nos bras semblent peser 25kg chacun. Il est temps de se remettre en forme ! Les quelques vagues que nous prenons nous donnent le sourire et nous sommes fin prêts pour aller rencontrer les enfants.
L’école est presque une école de brousse. Il y a peu de matériel mais l’essentiel est là. Une salle de classe pour chaque section, un tableau vert par salle et des chaises pour tout le monde. Nous sommes accueillis dans la cours de récréation par tous les enfants qui sont en pause. Les « blancs » que nous sommes les intriguent. Malgré la barrière de la langue, ils n’hésitent pas à jouer avec nous et Romain a déjà gagné trois parties de bras de fer chinois quand le directeur vient se présenter. Il parle un bon anglais et nous pouvons communiquer sans soucis. Il nous explique que l’eau de pluie est stockée à partir du toit dans une citerne de 10 000 litres. On y voit les enfants boire l’eau directement au robinet où en utilisant leurs assiettes creuses avec laquelle ils viennent de déjeuner. Malheureusement cette eau n’est pas propre est cela saute aux yeux. Tout d’abord parce que le toit en tôle ondulée qui draine l’eau jusqu’à la goutière n’est jamais nettoyé et qu’il est rouillé, mais aussi parce que l’eau peut rester des semaines dans cette citerne, en plein cagnard, sans être traitée. Les bactéries peuvent y proliférer généreusement.
Alors que Lindy et Géraldine sont ravies de poser avec les enfants, nous regroupons les professeurs dans une salle de classe pour faire une démonstration de l’assemblage et de l’utilisation du filtre.
Ce filtre, nous pouvons dire que nous en sommes fiers car, pour la première fois de notre tour du monde, nous allons distribuer un filtre 100% made in France. Il s’agit du filtre Outmem que nous développons conjointement avec notre mécène principal Arkema et leur sous-traitant Polymem. Avant notre départ nous avions poser un cahier des charges pour le développement de ce filtre. Nous voulions que ce filtre français ait une meilleure durée de vie, un fonctionnement aussi simple et surtout une meilleure capacité de filtration que le filtre américain que nous distribuons depuis le départ. Et c’est ce que nous avons réussi à faire. Les pores du filtres Outmem sont 30 fois plus petits que ceux du filtre américain. Ils nous permettent donc de filtrer à l’échelle du virus tout en gardant un débit équivalent.
Une fois tous les professeurs réunis dans la salle de classe, Thomas peut commencer l’explication alors que Darhoy traduit en langue Xhosa. C’est pour nous assez amusant de l’entendre parler dans cette langue claquée. Il y a quelques syllabes qui sont noyées dans un claquement de langue. Vraiment très difficile à faire pour les non-initiés. Dans la salle, le silence règne et tous les professeurs attendent de voir les merveilles produites par le filtre. A la première utilisation, Thomas filtre l’eau de la citerne qui est déjà claire. La différence entre l’eau de la citerne et l’eau filtrée ne se voit pas. Remarquant la perplexité de l’assemblée, Nicolas envoie vite Darhoy chercher de l’eau terreuse pour prouver l’efficacité du filtre. Une fois l’eau sale versée dans le seau, les professeurs sont plus attentifs à ce qu’il va ressortir. Et lorsque de l’eau claire jaillit du filtre, une multitude de sourires se dessine sur les visages. Ils restent cependant assez frileux à l’idée de boire cette eau qui vient d’une flaque boueuse. Darhoy voulant montrer l’exemple, boit le verre d’eau filtrée d’un seul trait. Vient alors le moment de passer à la pratique pour nos élèves professeurs. Mais lorsque Thomas appelle un volontaire pour venir faire la manipulation, personne ne se propose. Ils ont tous la tête baissée et nous disent tout bas avoir compris et ne pas avoir besoin de manipuler le filtre. Nous avons beau leur dire qu’il est important pour nous de les savoir capables d’utiliser et de nettoyer le filtre, ils s’entêtent. Justin prend alors les devants et vient faire une manipulation. Il commet quelques erreurs et cela lui permet de mieux comprendre le fonctionnement. Darhoy tente alors une filtration et un nettoyage et fait un sans faute. Pour autant, les professeurs ne veulent toujours pas bouger de leur chaise. Heureusement le directeur rentre à ce moment dans la salle et se porte aussitôt volontaire. Après son exemple, quelques professeurs se décident enfin à manipuler le filtre et finalement tout le monde y passe. Après coup, nous discutons avec Justin qui nous explique qu’ici les professeurs ont un statut un peu particulier dans la société. Ils détiennent le savoir et n’aiment pas qu’on les mette à l’épreuve. Se retrouver dans la peau de l’élève est presque humiliant pour eux. C’est un point de vue que l’on peut comprendre.
Nous installons alors un filtre par salle de classe. Justin s’engage à ramener des bidons d’eau de 5 litres vides pour que les professeurs puissent filtrer de l’eau le matin et que les élèves se servir directement dans les bidons.
L’après-midi arrive vite et nous en profitons pour nous reposer avant d’attaquer le «braï» sud-africain. «To braï» est même devenu un verbe en anglais sud-africain tant c’est une tradition ici en Afrique du Sud. Il s’agit en fait du barbecue. Les blancs ont l’habitude de braier une à deux fois par semaine et encore plus quand ils sont en vacances. Nous en avons même vu un batailler pour entretenir ses braises sous la pluie. Justin nous a promis un vrai braï du Transkei et nous avons hâte de voir ce que cela donne. Lindy, en tant que grande amatrice de vin, a apporté quelques bonnes bouteilles pour compléter le festin. Nous nous régalons ce soir là et la bonne humeur est au rendez-vous.
Le lendemain nous partons tous pour la plus grosse distribution de filtres de notre tour du monde. Après avoir laissé 14 filtres à l’école il nous en reste 186 pour les quelques 360 familles que compte la communauté. Nous nous réunissons au centre de santé avec les 11 chefs qui sont chacun en charge d’un district au sein de la communauté. Darhoy, notre interprète, est présent et il fait même parti de ces 11 chefs. Nous leur expliquons le fonctionnement du filtre, a savoir montage, utilisation et nettoyage. Ils sont très concentrés et nous démontrent rapidement pourquoi ils ont été élus chefs. Leur esprit est vif et ils comprennent tout sans avoir à se répéter. Nous les laissons alors un quart d’heure seuls afin qu’ils se mettent d’accord sur la manière de répartir leurs filtres. Pendant ce temps nous attendons dehors et voyons arrivés les représentants des différentes familles de la communauté. Il y a environ 200 personnes réunis dans l’herbe devant le centre de santé. Les tenues sont colorées et très variées. Les couleurs vives enchantent les pellicules de nos appareils. L’ambiance est bon enfant et l’on entend des commérages et des gloussements aux alentours. Thomas et Nicolas essaient de discuter avec quelques filles et de reproduire leurs sons en langue claquée mais l’épreuve semble bien compliquée.
Après délibération, les chefs de la communauté sortent du centre de santé. Nous installons une table et un filtre de démonstration au milieu de l’assemblée. Darhoy prend la parole et tout le monde s’assoit quand il parle. Il invite alors Romain a expliquer notre projet à tout le monde et à faire la démonstration du fonctionnement du filtre. Darhoy traduit tout ce que dit Romain et sa voix porte malgré le vent qui souffle fort. Il s’assure que tout le monde comprenne avant de continuer. A la fin de la démonstration les applaudissements sont chaleureux. S’ensuit alors une série de questions techniques auxquels nous répondons avec joie. Voir des gens si intéressés par ce que nous leur apportons est un pur bonheur. A chaque fois que quelqu’un prend la parole, il se lève. Puis il se rassoit pour entendre notre réponse tandis que nous nous levons à notre tour. Il y a un immense respect pour l’orateur et c’est un véritable exemple de bienséance pour nous.
Nous sortons tous les filtres et seaux restants du centre de santé. Les bras ne manquent pas et la répartition est faite équitablement en un temps record. Nous restons spectateurs de cette organisation efficace et sommes ravis de ce que nous voyons. Pas un foyer n’est oublié. Tous les visages sont radieux. Encore un moment fort en émotions que nous ne sommes pas prêts d’oublier.
Nos amis Antoine et Chloë ainsi que Lindy et Géraldine, pour qui c’est une grande première, sont tous enchantés du moment qu’ils ont passé. L’intensité de cet échange nous serre le coeur. Nous sentons les remerciements que nous recevons sincères et profonds. Cela n’en rend la mission que plus belle.
Après ces deux journées de distribution de filtres nous ne voulons plus quitter le Transkei. La beauté du paysage et du peuple qui l’habite rend cette région vraiment spéciale. Justin et Lee-Ann sont le parfait exemple de l’étranger qui s’est adapté à ce milieu et qui y vit en harmonie. Ils nous invitent d’ailleurs à rester quelques jours de plus pour profiter des vagues, de la plage et du plaisir d’être loin de la modernité. Nous ne pouvons qu’accepter cette très généreuse invitation.
Malheureusement le temps passe trop vite et après quelques jours nous devons repartir à East London. Lindy et Géraldine continueront jusqu’à Cape-Town alors que nous reprendrons Williwaw direction le cap de Bonne Espérance. Les adieux entre Thomas et sa maman sont intenses mais joyeux. Ils savent qu’ils se reverront dans six mois et qu’ils viennent de partager un beau moment.
Alors que nous voulons rallier Cape-Town au plus vite, nous sommes obligés de nous arrêter à Mossel bay à cause de la météo. Une escale de 36h pour permettre à un coup de vent du sud-est de passer sans risque pour nous. Mossel bay a la particularité de détenir le record mondial de concentration de requins blancs. Il y a en effet au coeur de cette baie, une île appelée Seal Island, qui abritent des centaines d’otaries dont les requins raffolent. Du coup, les surfers de Mossel bay savent les requins repus et peuvent jouer dans les vagues en toute tranquillité. Nous décidons de nous jeter à l’eau. Nous nous faisons rapidement des amis qui nous rassurent sur l’attitude des requins et nous disent surfer tous les jours depuis des années sans jamais voir d’aileron dans les parages du spot. Nous retournons même à l’eau le lendemain matin.
Le même jour, arrive notre nouvelle recrue, Justine, une amie de la soeur de Thomas. Elle est ravie de nous rejoindre et de naviguer avec nous pour aller jusqu’en Namibie.
Nous devons repartir rapidement pour profiter d’une belle fenêtre météo et passer le cap de Bonne Espérance.
Cette navigation marque le grand retour dans l’océan Atlantique. Nous passons d’abord le cap des aiguilles, pointe la plus sud du continent africain et frontière entre l’océan Atlantique et l’océan Indien, sous un grand soleil. Les conditions sont idylliques. Puis nous recevons la météo qui n’est guère optimale pour la suite. Un coup de vent est annoncé pour le lendemain lors de notre passage de Bonne Espérance. Nous savons qu’il sera court et que la mer sera calme pour la journée suivante. Devons-nous nous arrêter, attendre et passer le cap au moteur ou continuer et affronter les colères de Neptune ? Nous avions imaginé notre passage du cap de Bonne Espérance depuis un moment et nous préférons avoir des conditions musclées plutôt que d’y aller au moteur. Les souvenirs n’en seront que plus marquants. Il faut savoir qu’avant d’être appelé cap de Bonne Espérance, il s’appelait cap des tempêtes. C’est le roi portugais Joao II qui l’a renommé pour donner de l’espoir à ses marins qui rentraient de la route des Indes. Le cap des tempêtes a toujours eu la réputation d’être un haut lieu de naufrages.
Nous prévoyons d’arriver en vue du cap en tout début de matinée. La nuit qui précède est assez impressionnante, nous filons dans 30 noeuds de vent, au milieu d’une houle bien formée. Dernière nous, les nuages noirs bouchent le ciel. Les éclairs fendent la nuit et rendent ce spectacle encore plus époustouflant.
Au petit matin Nicolas vient réveiller l’équipage pour un café au rhum devant le cap de Bonne Espérance. Les vestes de quarts sont de sortie et nous sommes heureux de vivre ces conditions musclées de navigation. On imagine ce que devaient vivre les marins il y a déjà plusieurs siècles. Vivement l’arrivée à Cape Town pour un doux repos dans un port bien abrité.
La remontée depuis Cape Point ne nous prend que quelques heures. Nous voyons défiler les 12 Apôtres qui forment une chaîne de montagne au sud de Cape Town. Les nuages qui arrivent de l’océan Indien viennent coiffer le sommet de la fameuse Table Mountain alors que le soleil fait son entrée par le côté Atlantique. Les paysages sont vraiment tous plus beaux les uns que les autres dans ce pays.
Nous passons quelques jours à la marina de Cape Town pour récupérer notre spi et faire quelques pleins avant de repartir vers la Namibie. Nous en profitons aussi pour revoir Lindy et partager un dernier braï. Le 2 février, nous quittons ce pays qui nous laissera beaucoup de souvenirs, mettant le cap au Nord vers la Namibie et ses grands espaces désertiques.