Polynésie Française – Terre de Paradis
Ce long mois de mer fut éprouvant à bien des égards. Tout d’abord physiquement à cause de toutes ces nuits agitées et interrompues mais aussi socialement car le manque de communication et de présence des êtres chers reste une grande épreuve. La joie est intense lorsque nous arrivons à Rikitea sur l’île de Mangareva aux Gambier. Nous pouvons enfin reprendre contact avec nos familles et amis et leur conter toutes nos aventures du mois passé.
L’escale aux Gambier a été truffée de rencontres. Tout d’abord avec la perliculture. Le lagon des Gambier enferme plus d’une soixantaine de fermes perlières qui produisent certainement les plus belles perles de Polynésie voire même du monde. Là bas tout le monde a travaillé, travaille ou travaillera dans la perle. C’est une religion. Lors de notre passage au spectacle de fin d’année de l’école nous avons pu voir que tous les costumes des enfants et des parents étaient ornés de perles dont certaines d’une taille colossale.
Nous avons aussi fait la rencontre des «bateaux familles». Vous savez ces bateaux où Papa, Maman et les enfants vivent sur les flots, font l’école du CNED le matin et l’école de la vie l’après-midi… A notre mouillage de Rikitea il y en 3 comme ça qui conversent par VHF pour organiser la tournée matinale de pains au chocolat ou savoir qui apporte le dessert pour le prochain pique-nique sur la plage. En comptant nos amis Luc et Nelly plus nous, ça faisait 5 bateaux qui se suivaient entre les différents mouillages du lagon. Rikitea, Aukena, le «motu de l’aéroport», autant de mouillages que de bons moments passés avec nos amis de Gex, Mambala, Quatra et Folavoahl. On se souviendra surtout de ce barbecue chez Bernard sur l’île d’Aukena où nous avons pu manger un délicieux cochon grillé (en entier s’il vous plait) et qui laissa malade quelques participants au pique nique… Ils avaient surement mangé des morceaux pas assez cuits.
Il faut aussi compter les rencontres avec les locaux qui resteront gravées dans nos mémoires, comme Vatéa du restaurant « Chez Joe » qui nous fit le plus beau des accueils lors de notre première soirée à terre ou les intenables Bernard et Henry qui videront nos dernières réserves de rhum Panaméen. C’est aussi ce Bernard qui nous offrit deux poules et un coq pour que nous ayons des œufs frais tous les matins. Malheureusement après une semaine en cage, 3 tentatives d’évasion et 0 œuf pondu le CLP ou « Comité de Libération des Poules » aura tranché et statuera pour la libération des pauvres cocottes. Le coq quant à lui, rebaptisé Bernard, est passé à la cocotte. Il fit un bon repas partagé avec Luc et Nelly.
Après presque trois semaines aux Gambier il fut temps de lever l’ancre pour rejoindre la « métropole » : Papeete. Il nous fallut 8 jours de mer pour rejoindre le sud de l’île de Tahiti. Cette arrivée fut idyllique et vaut la peine d’être narrée au présent.
Il est 4h du matin et les premières lueurs de l’aube révèlent au loin la majestueuse île de Tahiti. Elle est si haute qu’elle parait toute proche et pourtant il faut plusieurs heures avant de l’atteindre. A 6h30 nous pouvons distinguer une espèce de fumée qui entoure l’île, c’est en fait l’écume soulevée par les vagues qui se déversent dans le lagon. On peut entendre le rythme régulier des rouleaux qui s’abattent sur le corail, ça donne des frissons.
A 8h du matin nous nous engageons dans la passe la plus sud de Tahiti : la passe de Teahupoo. Pour les surfeurs que nous sommes c’est un grand moment. Nous touchons du doigt l’un des lieux mythiques du surf. L’atmosphère est dense, nous le ressentons. A notre droite une douzaine de surfeurs est à l’eau, la vague est creuse et doit faire dans les 3m de haut. Pas très gros pour Teahupoo mais déjà très impressionnant. A côté de nous une douzaine de dauphins vient à notre rencontre et nous accompagne le long de la passe. Ils virevoltent, ils sautent et répondent à nos cris de joie !
A notre gauche s’étend l’immense lagon de Tahiti, ses eaux sont calmes, claires et turquoises, elles recèlent des milliers de merveilles cachées dans les coraux. C’est un paradis aquatique. Nos sens sont en éveils, nos mémoires gravent chaque seconde de cet instant magique. Devant nous les montagnes de Tahiti toutes plus vertes qu’un green de golf descendent majestueusement dans l’eau. On les sent gouverner sur le lagon, elles content l’histoire de Tahiti de par leurs crêtes acérées, leurs failles saillantes et leurs sommets vertigineux. Elles abritent une faune et une flore tout aussi dense que sauvage et semblent inatteignables malgré leur proximité.
Nous le savons, un si bel accueil n’est pas réservé à tous et nous nous sentons privilégiés. A 9h nous avons accostés au petit port de pêche de Teahupoo, parés pour une journée pleine de découvertes. Nous partons d’abord pour le «bout de la route», le point le plus sud atteignable en voiture. Nous discutons un peu avec les locaux qui n’attendent qu’un évènement : le contest de surf de Teahuppo. Il est prévu pour dans un mois et demi mais l’atmosphère de l’évènement se fait déjà ressentir. Nous allons déguster un burger en face de la vague et Tim l’un des premiers à avoir surfé Teahuppo il y a plus de 25 ans nous propose d’aller la voir. On peut même prendre nos planches et se jeter à l’eau si le cœur nous en dit… C’est tentant mais effrayant à la fois. Heureusement pour nous la houle retombe et les surfeurs sortent de l’eau. On se dit que la vague se met à notre niveau et qu’on aura peut être une chance. Une heure plus tard nous sommes sur le bateau de Tim accompagnés de son neveu.
A 14 ans il surfe déjà à Teahupoo depuis 2 ans… En même temps il devait sûrement être sur une planche avant de savoir marcher et dans l’eau avant de savoir nager ce p’tit là. Du coup il nous montre la voie et se met à l’eau le premier. Même pas peur, il prend les vagues et se permet même de nous dire qu’elles sont petites et molles… On ne doit pas voir la même chose. Ni une ni deux, Romain se chauffe et motive Thomas et Nicolas qui sont plus inquiets et il se lance dans l’eau. Les deux autres suivent rapidement. Nous ramons pour nous placer derrière l’endroit où cassent les vagues et jauger un petit peu les éléments. La houle n’est pas très régulière et les vagues ne cassent pas toutes au même endroit. C’est compliqué de se placer pour pouvoir prendre la vague sans se faire prendre. Au bout d’un quart d’heure, alors qu’aucun de nous trois n’a encore eu le courage de se lancer réellement Tim nous appelle. Il a vu un aileron de requin à une 50aine de mètres derrière nous et il sait que depuis trois jours un requin tigre rode dans les parages pour chasser les jeunes baleineaux. Nous ne sommes certes pas des jeunes baleineaux mais ça ne vaut pas le coup de rester à l’eau. Et c’est à ce moment qu’une série de grosses vagues arrive. Romain manque son canard (plongeon sous la vague avec sa planche) et lâche son surf. La tension due à l’eau est trop forte et le leash ne tient pas le coup. La planche est emportée dans le lagon alors qu’une vague lui tombe dessus et la fêle en deux. Thomas manque aussi un canard et se retrouve 50m plus bas à devoir ramer pour remonter au bateau. Bref le moment est intense et nous nous en rappellerons un bon moment.
Après cette sortie à Teahuppo nous décidons de remettre les voiles et de rejoindre la baie de Cook sur l’île de Moorea. L’objectif étant de voir un maximum de Polynésie en un minimum de temps car Nicolas doit prendre un avion 4 jours plus tard pour rejoindre sa dulcinée en France. Du coup nous louons une voiture à Moorea et en profitons pour visiter le bord de mer. Mais le motif de notre visite est déjà défini : nous voulons marquer notre peau de ce passage en Polynésie. Nous allons donc voir Mate un tatoueur traditionnel. Il est spécialisé dans le tatouage traditionnel pratiqué au marteau et avec une dent de cochon taillée comme aiguille mais nous ne ferons que des tatouages normaux. Une rose des vents sur l’épaule de Romain, un lever de soleil sur l’avant bras de Nicolas et une pagaie sur le bras de Thomas. Tous faits avec les motifs traditionnels de Polynésie. Ca y est, nous sommes marqués par le Pacifique. Malgré la beauté de Moorea et de ses randonnées nous n’avons guère le temps de nous attarder. Nous rejoignons alors Papeete qui n’est qu’à deux heures de navigation. Objectif réparations !
Le pacifique n’ayant pas épargné notre matériel, il est temps de faire un bon coup de maintenance. Nous restons deux jours à la marina de Papeete le temps de faire un changement d’équipage. Une fratrie se sépare avec le départ de Nicolas mais une autre se reforme avec l’arrivée de Thibaud le frère de Thomas. Nous repartons alors pour le mouillage d’Arue au nord de Papeete. C’est là que nous faisons nos réparations. Génois, spinnaker, guindeau avant, moteur, groupe électrogène, tout y passe.
Heureusement Julien est là. C’est un ami de Thomas, venu de Guadeloupe et passé par la même école d’ingénieur, qui nous prête sa voiture et nous emmène sur les bons spots pendant nos jours de repos. Au planning surf à Teavahino, Taapuna et Papara et plongée proche de Taravao sur le tombant de la dérivante aux tortues. Nous avons passé de bonnes soirées avec toute sa bande et découvert l’univers festif de la Polynésie qui au final est vraiment une grande famille. On a bien sûr regretté de ne pas pouvoir rester plus longtemps, de ne pas partir en randonnée dans les hauteurs de l’île, de ne pas visiter les îles de Huahine, Raiatea, Maupiti ou encore Bora Bora mais nous étions attendus aux Fidji début août pour une nouvelle mission d’envergure et 15 jours de mer nous séparaient de notre destination.
Nous levons l’ancre à trois comme souvent sauf que Nicolas est remplacé par Thibaud. Romain est capitaine intérimaire. Cette traversée fut l’une de nos plus paisibles. Sans coup de vent important, sans casse intempestive, avec une bonne pêche dont la plus belle dorade coryphène depuis notre départ. Malheureusement le vent nous a fait un peu défaut et nous avons du utiliser beaucoup de moteur pour avancer à bonne allure. Du coup les îles Tonga sur notre route sont un arrêt presque obligatoire pour refueler avant de rejoindre les Fidji.
L’archipel de Vavau est certainement unique en son genre. Au revoir les lagons Polynésiens, les récifs coralliens et passes d’entrée de lagon, bonjour les falaises, les îles cailloux et les détroits profonds. Les Tonga sont un véritable havre de paix pour les espèces aquatiques. Les baleines y passent tous les jours pour mettre bas, nourrir leur petit ou tout simplement se reposer dans des eaux calmes. La végétation est aussi variée qu’en Polynésie malgré la terre plus aride et le climat plus sec. Ici il n’y a pas de grande montagne pour attraper les nuages de l’océan et faire déverser de la pluie à torrent. Le peuple Tongien est aussi discret et accueillant que sa carrure est impressionnante. Ici tout le monde pourrait jouer au rugby.
Nous ne restons que 48h sur place, le temps de refaire le plein de gasoil et de préparer notre arrivée aux Fidji qui administrativement n’est pas vraiment simple. Néanmoins nous profitons beaucoup de l’artisanat culturel des îles pour préparer la décoration de nos futurs appartements. Les colliers en os de baleine, les paniers en feuilles de cocotier tissées ou les belles nacres viendront agrémenter nos collections.
En repartant de Vavau nous décidons de passer par les canaux et surtout par la voie appelée les « Champs Elysées des baleines ». On nous promet d’y rencontrer des baleines. L’arrivée sur place est un peu étrange. Nous rencontrons un bateau de touristes qui nous demande de rester à 500m des baleines et de ne pas plonger à côté. C’est alors qu’en voyant une baleine et son petit à proximité notre anglais devient cafouilleux et que nous décidons de faire la sourde oreille sur les recommandations qui nous ont été données.
Le tout étant de ne pas mettre le bateau en travers de la trajectoire des baleines et de rester très doux sur les coups de moteurs et manœuvres pour approcher les mammifères. Romain et Thibaud se mettent à l’eau pour observer la nage de la mère et de son petit. Romain est malheureusement trop loin pour les apercevoir mais Thibaud d’un bon coup de palme arrive à les voir passer à quelques 15m devant lui. « Quel spectacle ! On se sent tout petit. Elles avancent 4 fois plus vite que moi sans même bouger la queue ! » dit-il. Alors qu’un deuxième bateau de touriste arrive et menace Thomas de les ramener aux ports pour aller voir la police nous décidons de quitter les lieux sans plus gêner ni les baleines ni les touristes. Nous avons eu droit à notre spectacle, il est temps de laisser la place aux autres.
Les quatre derniers jours de navigation jusqu’à Suva la capitale des Fidji ont été à l’image de ce que nous avions fait depuis Tahiti : peu de vent, pas mal de moteur et une mer sans aléa. Nous arrivons le 5 août à Suva prêts à retrouver Nicolas, de retour de France, les valises pleines de cadeaux !