Namibie, joyau de l’Afrique
Après une étape Sud Africaine riche en rencontres et forte en émotions, nous reprenons la mer pour rallier la Namibie. Ce pays promet beaucoup. Entre découvertes et retrouvailles, les aventures seront nombreuses.
La semaine de navigation mêle plaisance délicieuse et froid polaire. Le courant du Bengula remonte tout droit de l’Antarctique et transporte une eau glaciale. Cette différence frappante entre la température glaciale de l’eau et l’air brulant du désert du Namib créé une atmosphère étrange. Un épais brouillard nous bouche la vue. Les nuits sont plus humides et plus froides que jamais. Fini les quarts en slip du Pacifique. Nous superposons les couches de vêtement pour tenir nos 4 heures de quarts nocturnes.
Heureusement, ce courant transporte également une riche concentration de plancton qui illumine la nuit au passage de Williwaw, heureux d’être de retour dans l’Océan Atlantique. Justine, nouvelle équipière depuis l’Afrique du Sud, s’amarine doucement et s’offre un rare ballet de dauphins phosphorescents.
Nous rallions Walvis Bay sans encombre. Unique baie protégée des 2 000 Km de côtes Namibiennes, Walvis bay n’a rien de charmant. Ville portuaire et industrielle, c’est cependant un excellent point de départ pour partir explorer ce pays aussi immense que désertique.
Après la Mongolie, la Namibie est le pays ayant la plus faible densité de population au monde. A Monaco, il y a près de 19 000 personnes au Km2, en Namibie à peine 2.
Aux alentours de Walvis Bay, une vague hors du commun attend les conditions idéales pour se réveiller. Le monde la connaît sous le nom erroné de Skeleton Bay. Lorsque la houle, le vent, la marée et les flamands roses s’accordent, un monstre de perfection déroule sur plusieurs kilomètres. Le moment est aussi court que rare et les surfeurs pros ne ratent jamais le coche.
Nous n’avons pas le temps d’aller jouer dans les vagues qui dorment, nous avons rendez-vous à l’aéroport de Windhoek, à plus de 5h de route, avec Pierre et Thierry, frère et père de Romain et Nicolas. Les routes alternent avec les pistes, en plus ou moins bon état. Une bonne voiture est obligatoire. Des pneus de rechange aussi.
Ce premier tronçon de route pose le décors et nous montre un aperçu de ce qui défilera autour de nous ce prochain mois. Des paysages sans fin, toujours plus grands et plus puissants.
Qu’il est bon de retrouver les gens qu’on aime. Nous prenons la route sans tarder. Les lignes droites interminables se succèdent. Pour l’instant le paysage est plutôt vert. Nous sommes en pleine saison des pluies et la partie Nord du pays reçoit quelques gouttes d’eau. Le long de la route, d’immenses tours de sable se dressent vers le ciel. Ce sont des termitières. Elles sont énormes, et prennent des formes plutôt suggestives.
Nous roulons cependant vers le Sud, vers les régions les plus désertiques du pays. Nous avalons les kilomètres et les termitières se font de plus en plus rares. Le vert aussi. Puis les grandes plaines verdoyantes laissent place à d’immenses étendues rocailleuses. Nous approchons de la forêt de Quiver Tree au milieu du Giant Playground.
Cet endroit est déconcertant. Des rochers, bien trop lourds pour être déplacés par l’homme, se superposent au hasard et recouvrent l’horizon. Le hasard fait souvent bien les choses et les formes qui ressortent sont invraisemblables. Souvent la gravité elle-même est remise en question. Les rochers se prennent pour des équilibristes et nous aussi.
Au milieu de cet étrange paysage, poussent d’étranges arbres. Tronc droit à l’écorce dorée, feuillage dense et branchage gras, les Quiver trees apportent un peu de verdure à ce décor lunaire. Jadis, les bushmen se servaient des branches pour se fabriquer des carquois où ranger leurs flèches.
Nous photographons les cailloux et les rochers jusqu’à ce que la nuit tombe. Entre temps, de petits lézards au ventre rond et aux couleurs vives viennent nous saluer. Les quatre pattes bien accrochées aux rochers, ces drôles de petites créatures font des pompes. Ils poussent sur leurs deux jambes avant pour monter, puis descendre puis remonter. Pourquoi ? Excellente question… Pour se rafraichir disent certains, pour faire le beau pensent d’autres. Quoiqu’il en soit nous sommes ravis.
Le même jour nous faisons la rencontre d’un fermier qui possède notamment 4 guépards. L’une d’entre eux, plus vielle et relativement docile, se laisse approcher et même caresser lorsqu’elle est occupée à manger. Nos cœurs battent la chamade quand nous passons les doigts dans la fourrure mouchetée de ce grand prédateur, prince de la savane.
Nous continuons notre route au Sud, vers le Fish River Canyon. Le plus grand du monde après le Grand Canyon américain. Malgré un environnement hostile, la chaleur et la sècheresse, la vie est partout. Des Oryx cherchent à brouter la moindre petite brindille. Leurs cornes sont plus grandes que nos jambes. Ils peuvent passer plusieurs semaines sans boire. Des springboks lèvent la tête et les oreilles à notre passage et bondissent gracieusement. Des autruches, quelques oiseaux, ainsi que de nombreux scorpions et serpents mortels, dont le fameux Black Mamba. Malheureusement, nous n’en croiserons pas, mis à part quelques serpents détalant à toute vitesse. La nature est redoutable.
Après une longue conduite au pas à se frayer un chemin dans les cailloux, nous atteignons le point le plus élevé du canyon. La vue nous coupe le souffle. C’est immense, majestueux, sans fin. Alors que nous sommes à près de 800 mètres d’altitude, le canyon serpente jusqu’à se perdre dans l’horizon. En se couchant, le soleil aggrave la situation et le spectacle devient de plus en plus rouge. Tout n’est que silence. Des aigles tournoient dans les airs à la recherche d’un ultime repas avant que l’obscurité ne l’emporte, laissant place aux rampants qui attendaient la nuit en se cachant et se protégeant du soleil sous les pierres.
Le lendemain, nous descendons dans le canyon. Notre guide nous donne une véritable leçon de conduite 4×4. Rien ne l’arrête. Il grimpe des pentes à près de 50° sur des cailloux dégringolant, le coude posé sur le rebord de la fenêtre. Derrière, nous nous accrochons et savourons.
En bas, le Fish River et son eau marron-orangé continue de creuser le canyon. Nous tentons désespérément de trouver un petit diamant, en vain. Pas de diamant certes, mais pour des amateurs de cailloux, nous sommes servis. Nous commençons par nous remplir les poches, puis rapidement c’est le tour des sacs. Le bateau est aujourd’hui bien alourdi par tous les cailloux que nous avons ramassés sur notre chemin.
Nous quittons le désert du Kalahari pour un autre désert. Le Namib. La plus grande étendue de sable du monde après le Sahara, mais surtout la plus vieille. La route est longue et la voiture souffre. Nous explosons un pneu au milieu de nulle part. Heureusement nous sommes équipés et le remplaçons rapidement. Pendant la manœuvre, quelques Oryx, curieux, s’approchent.
Au fur et à mesure, le paysage se transforme. Les cailloux s’effritent et deviennent sable. Au loin, nous voyons le début d’un gigantesque désert rouge. Les dunes de Sossusvleï font souvent la une des journaux de voyage. Elles adorent être prises en photo. Mais il faut les mériter. D’uniques visions sont promises aux courageux qui s’attaqueront aux dunes avant même le lever du soleil. Il n’en faut pas plus pour nous convaincre et le lendemain matin, nous partons à 4 heures. Une route coupe le désert en deux. Dans l’obscurité nous ne voyons que des ombres de dune. Laquelle choisir ? Nous avons entendu parler de la Dune 45 ainsi que de Big Mama, mais comment les reconnaître ? Nous nous arrêtons au kilomètre 45, espérant tomber sur la Dune 45. Un bref coup d’œil aux dunes environnantes et nous nous décidons à grimper sur la plus grosse d’entre elle. La nuit brouille toute notion de distance et de hauteur. Nous partons plein d’entrain, guidés par les étoiles et certains de notre réussite.
Mais après quelques minutes d’ascension, nous déchantons. Le sable est très mou et l’effort est surhumain. Nous avançons petit pas par petit pas. Les cuisses brulent et les poumons ne se remplissent pas assez. L’ascension est beaucoup plus dure que prévue.
Les premières lueurs apparaissent et le somment de la dune est encore bien loin. Nous regrettons tous d’avoir choisi la plus grosse dune, nous nous sentons bien stupide d’avoir sous estimé la difficulté d’une telle ascension. Cependant, nous ne nous retrouvons pas face à une difficulté pour la première fois et il est hors de question de repartir en arrière. Nous contemplerons le lever de soleil du haut de cette satanée dune ! Le mental reprend le dessus et, à bout de forces, nous arrivons enfin en haut. Quel spectacle ! L’effort est largement récompensé. Le soleil passe le bout de ses rayons au dessus des dunes, à l’horizon. Le désert se réveille et commence à rougir. Les crêtes délimitent les zones d’ombre et de lumière. Les dunes se révèlent dans toute leur splendeur. La face d’une dune ressemble étrangement au sable au fond de l’eau. Des lignes ondulées et parfaitement parallèles se suivent. Quelques traces d’animaux et même quelques plantes apparaissent. La vision est unique. Nous savourons longuement l’instant et trouvons la force pour continuer à marcher vers d’autres pics, plus hauts.
La descente est bien plus rapide que l’ascension. Pieds nus, nous déboulons à grandes enjambées, traçant de belles lignes sur une pente vierge et immaculée. Une fois de retour à la voiture, nous réalisons enfin que nous nous sommes trompés de dune. Ce n’était pas la Dune 45 qui semble bien petite à côté de la notre. Nous la nommons Dune Sénès, en hommage à nos mamans.
L’étape suivante nous transporte dans une nature diamétralement opposée. Du désert de sable du Namib, nous arrivons dans les montagnes luxuriantes de Naukluft dans lesquels nous dénicherons des piscines naturelles à l’eau turquoise.
Lorsqu’il est dense, le temps passe vite, et il est déjà l’heure de se séparer. Pierre et Thierry lèguent leur place à Arthus et Hadrien, deux amis d’enfance venus nous rendre visite. Avec eux, nous irons découvrir le Nord de la Namibie et mener à bien notre mission de distribution de filtres dans le village d’Oshitutuma, près de la frontière avec l’Angola.
Il y a du chemin entre Windhoek et Oshitutuma et de nombreuses merveilles à traverser. Le moyen de transport ne change pas, nous gardons des gros 4×4, mais en plus, nous dormirons dessus, grâce à un système de tentes ingénieusement installées sur le toit. Des montagnes du Brandberg jusqu’au Parc Etosha, les paysages s’enchainent. A chaque col se plante un nouveau décor toujours plus magistral, toujours plus immense. Nous empruntons beaucoup de pistes, traçant des courbes interminables dans le désert, la savane, et le bush namibien.
Le parc Etosha est la plus grande réserve naturelle du pays. 23 000 km2. On y trouve quantité d’animaux dans leurs habitats naturels. Le parc se traverse en voiture, très doucement, à l’affut du moindre mouvement, du moindre bruit. Il peut se passer plusieurs heures sans rien voir, jusqu’à tomber sur un rarissime léopard, marchant à l’ombre des buissons. Le plus élégant de tous les félins. Le Lion restera éternellement le roi de la jungle, de par la puissance de sa seule présence. Le léopard est plus discret, certes, mais non moins redouté et tout aussi majestueux. Puis partir suivre un éléphant ou laisser passer un rhinocéros. Tendre le cou comme des girafes pour observer tous ces animaux si merveilleux et malheureusement si menacés.
La porte Nord Est du parc nous permet de rallier facilement Oshitutuma. Sur place, nous allons à la rencontre de Mr. Shanika avec qui nous avions discuté quelques jours auparavant pour préparer notre venue. Nous avons rencontré Mr. Shanika grâce à notre amie Ingrid, qui gère une agence de tourisme en Namibie. Elle connaît le pays comme sa poche et nous a fait profiter de son précieux savoir, à la fois pour trouver le lieu de distribution idéal, mais aussi pour savourer chaque kilomètre de la route qui nous y mènera.
A la saison des pluies, bien qu’Oshitutuma soit dans une des régions les plus pluvieuses de Namibie, la seule source d’eau accessible est un canal à ciel ouvert. L’eau qui s’y trouve n’est pas bonne mais il n’y a pas vraiment d’autre solution pour la population vivant aux alentours, surtout en saison sèche. Récupérer l’eau de pluie est bien entendu possible. Cependant, en Namibie, la saison des pluies ne dure jamais longtemps et en conserver l’eau, le reste du temps, n’est pas suffisant.
Nous passons un après midi en tête à tête avec Mr. Shanika. La conversation est très intéressante. Nous n’avions, jusque là, pas beaucoup eu l’occasion de discuter avec un Namibien pure souche. Il nous parle de la sècheresse, de la guerre, des relations avec les Angolais. Il nous raconte aussi quand il a construit la première école de son village et qu’il est devenu enseignant.
Mr. Shanika est une force tranquille et les 100 filtres que nous apportons semblent beaucoup l’intéresser. Le lendemain matin, tous les responsables du village sont conviés chez Mr. Shanika pour assister à la démonstration des filtres. L’ambiance est détendue, les gens rigolent et sont réceptifs. Ils se prêtent volontiers aux différents ateliers.
De toutes les missions que nous aurons menées, aucune ne se ressemblent.
Après avoir présenter le filtre aux adultes, il est temps d’aller à l’école, celle construite par Mr. Shanika des années auparavant, et de rencontrer les enfants. Il n’y a d’ailleurs pas que des enfants. L’école a beaucoup grandi depuis sa première promotion. Nous faisons 5 ateliers et regroupons les écoliers par groupe d’âge, puis les professeurs. L’ambiance est au rendez-vous. C’est aussi l’anniversaire de Thomas. Toute l’école le lui chantera en cœur. Quelques minutes après la fin de nos présentations respectives et de la traditionnelle photo de groupe, une pluie battante s’abat sur nous.
Elle apporte la joie, et ce jour la, la joie était partout dans l’enceinte de cette belle école. La distribution de filtres d’Oshitutuma marque la fin de notre mission des 1000 filtres. Et nous finissons sur une note très joyeuse.
Il est temps de retourner sur le bateau afin de préparer la longue remontée de l’Atlantique. En chemin, nous passons par un traditionnel village Himba. C’est un peuple de bushmen. Les hommes de la savane. Ils sont un peu devenus une attraction touristique, mais c’est tout de même l’occasion de rencontrer des gens vivant selon leurs anciennes coutumes. Chaque matin, les femmes, aux lourdes poitrines, se couvrent le corps de terre rouge argileuse, pour se laver, ou plutôt se protéger de la saleté. Lorsque les jeunes filles deviennent des femmes, elles se font enduire les cheveux d’un épais mélange de terre et de cendres créant de somptueuses coupes de cheveux. Les hommes, eux, s’occupent de la chasse dans le bush.
Une fois de retour à bord, nous nous préparons à passer notre dernier mois consécutif en navigation. De Walvis Bay jusquà Praïa au Cap Vert, en passant par Saint Hélène pour rendre hommage à Napoléon, l’île de l’Ascension et le Pot-au-Noir.