Haïti, perle noire des Caraïbes
Suite au terrible tremblement de terre qui frappa Haïti le 12 janvier 2010, et qui fit près de 300 000 morts, le monde entier s’est mobilisé. Des ONG de tous les pays ont déferlées en masse. Il y avait urgence, le pays fut ravagé, et de nombreuses villes ont été partiellement rayées de la carte, parfois presque entièrement rasées : Port-au-Prince (rasée à 60%), Leogane (rasée à 85%), Jacmel (rasée à 70%)… Les zones rurales n’ont pas été épargnées et l’isolement de certaines communautés laisse imaginer les difficultés auxquels ont dues faire face des centaines de milliers de personnes. C’est une des pires crises humanitaires du 21e Siècle. Aujourd’hui encore, 6 ans après, on voit chaque jour des traces du séisme.
Haïti demeure sous la tutelle de l’aide internationale. La moitié du budget annuel de l’Etat Haïtien vient des aides internationales et ¼ vient de la diaspora haïtienne. De nombreux projets de construction et de développement sont menés par des ONG étrangères. D’autres par l’Etat, mais ceux la sont parfois victimes des changements de gouvernements. Souvent ce que commence l’un n’est pas terminé par l’autre. Les investissements nécessaires à la bonne marche du pays comme le transport (routes), les installations électriques, et surtout les infrastructures d’accès à l’eau potable ne sont, pour la plupart, pas réalisés par l’Etat. La reconstruction est en majeure partie prise en charge par des ONG étrangères, que ce soit pour les habitations, les hôpitaux, les écoles, etc…
Les ONG s’enracinent en Haïti et cette présence ininterrompue d’aide internationale fait débat. Les ONG représentent aujourd’hui plus une source de revenu pour les habitants, qu’une aide au développement. L’urgence est passée, le trop plein d’aide empêche le pays de se développer de lui même. Aide d’urgence et aide au développement ne font pas toujours bon ménage. Nous essuierons quelques critiques de la part de volontaires de grandes ONG. En effet la « concurrence » est rude, et certains pensent en territoire. Cela semble absurde, et pourtant.
Il est temps de dépoussiérer la vision de la solidarité et de l’entraide.
Le séisme de 2010 n’a pas amélioré la situation de l’accès à l’eau potable. Des épidémies de choléra se succèdent depuis et les maladies liées à l’eau sont partout. Typhoïdes, Dysenterie, choléra… Les 2 moyens les plus répandus pour se fournir de l’eau potable sont l’eau traitée par osmose inverse et les sources naturelles. En ville, l’eau s’achète par gallon. Ces gros bidons bleus que l’on retrouve à côté de la machine à café dans nos bureaux. Ici l’eau en gallon est traitée par osmose inverse. Il n’y a pratiquement plus rien dans l’eau. Même les minéraux sont filtrés. Dans les zones rurales, les gens vont chercher de l’eau aux puits, aux sources, ou dans les rivières. Ces mêmes rivières où d’autres lavent leur linge, leur voiture, leur moto ou bien eux-mêmes. Vous verrez toujours un troupeau de petits cabris ou quelques ânes flâner sur la rive. C’est l’environnement idéal au développement et la transmission de maladies…
Entre autres maux, Haïti souffre de déforestation massive. La pauvreté pousse les gens à couper les arbres pour en faire du charbon. Ce charbon servira très souvent à payer l’école des enfants. Promenez vous en Haïti et vous vous en rendrez compte. La terre est à nue. C’est frappant ! Des pans entiers de montagnes sont rasés, rien ne dépasse.
Paradoxalement, derrière ce sombre constat se cache un pays merveilleux, aux paysages enivrants. La vie bat son plein, les gens s’agitent sous un soleil de plomb, dans une ambiance festive, souriante et avenante. Le blanc ne passe pas inaperçu, et pour cause, il n’y en a pas « en pile » (expression créole signifiant beaucoup). Aucune agressivité, beaucoup de curiosité, la plupart du temps un grand sourire accompagné de ce fameux pouce levé que nous avions découvert au Cap Vert.
Le 3 janvier, en milieu d’après midi, nous arrivons dans la grande baie de Jacmel, petite ville de 50 000 habitants située au Sud de la presqu’île Sud d’Haïti. Nous retrouvons immédiatement Philippe Petit, Responsable Haïti de l’ONG française Planète Urgence, notre contact local. Installé à Jacmel depuis 2010, Philippe œuvre pour la reconstruction et la réparation de maisons détruites par le séisme. Ces maisons s’inspirent de techniques de construction locales et de l’esthétisme haïtien traditionnel. De petites maisons anticycloniques et parasismiques, construites avec les matériaux locaux, par des ouvriers et des « Boss » (chef de chantier) locaux. Un toit n’est il pas la base de l’accomplissement personnel ?
Notre collaboration avec Planète Urgence a pour objectif d’équiper avec 1 filtre chacune des 60 dernières maisons construites, ainsi que les 4 centres numériques (écoles primaires équipées de vidéos projecteurs et de tableaux interactifs) également issus du même programme de construction. À chaque fois qu’un arbre est coupé pour la construction d’une maison, 10 sont replantés. Nous en planterons 300, financés par nos donateurs lors de notre campagne de crowdfunding. Presque chaque jour, Philippe vient nous chercher devant la plage et nous partons en 4×4 dans les différentes communes aux alentours de Jacmel : Sable-Cabaret, Lamontagne, Morne Ogée, Lavial, Bassin Bleu, Les Orangers … Nous allons à la rencontre des bénéficiaires des maisons construites par Monsieur Philippe, et qui seront également bénéficiaires de nos filtres. Nous sommes ravis de pouvoir tisser un 1er lien, plus intime, avant même de parler des filtres. Le message passe souvent mieux lorsque nous avons déjà passé du temps avec les gens. Ces gens sont tous différents. Il y a des jeunes, et des moins jeunes, la plupart du temps des familles entières. Tous ont beaucoup perdu lors du séisme. Tous ont l’envie de rebondir.
Nous effectuerons 7 distributions pour un total de 64 filtres.
En parallèle de la collaboration avec Planète Urgence, nous sommes allés à la rencontre de Max et d’Henry de la Fondation Aquadev dans la baie de Grand Goave, au Nord de Jacmel. Là bas, Aquadev vient en aide aux petites communautés de pêcheurs des alentours. Ils travaillent avec eux d’une manière intéressante. Ils apportent un savoir faire de qualité afin de développer l’activité économique des pécheurs, ce qui les poussent à s’investir toujours d’avantage. L’objectif de notre collaboration est de fournir une eau de boisson saine mais également une glace de qualité afin que les pécheurs puissent manipuler et conserver leur poisson dans de bonnes conditions. Un poisson de meilleure qualité se vendra à un meilleur prix.
Une de ces petites communautés de pêcheurs vit sur un ilet artificiel, entre Grand Goave et l’île de Lagonave. C’est un voyage hors du temps. Depuis 3 générations, les pêcheurs superposent des coraux, des coquillages, des cailloux sur un haut fond pour construire et agrandir leur ilet. Le résultat est saisissant. Une véritable petite île, construite par les mains de l’homme à 40cm au dessus du niveau de la mer. Plus petit qu’un terrain de football, 400 à 500 personnes s’y entassent. L’hygiène n’est pas la priorité n°1, et les déchets s’accumulent. Ils se mêlent aux coraux et finissent souvent dans la mer. Comme le dit Max, « ventre vide n’a pas d’oreille ». La gestion des déchets viendra plus tard. Il faut d’abord subvenir aux besoins primaires : manger et boire. Les filtres aideront à cela. 6 filtres ont été distribués, 10 autres sont sur place, prêts à être installés si les premiers essais sont concluants.
Les filtres serviront non seulement à filtrer l’eau de boisson, achetée à Leogane et à la qualité douteuse, mais aussi à fabriquer une glace pure. Ils s’intègrent ainsi au développement économique de la communauté.
Après 3 semaines passées en Haïti et 84 filtres distribués nous reprenons la mer. Cap sur les îles San Blas au Panama pour aller à la rencontre des indiens Kuna.