San Blas, en territoire Kuna
Tout d’abord revenons sur notre arrivée dans ce pays qui relie les deux Amériques : Panama.
Après 6 jours de mer depuis Jacmel en Haïti, nous arrivons enfin en vue de la grande baie de Colón, passage obligatoire pour le Canal de Panama. Nous y restons environ 5 jours afin de préparer notre mission aux San Blas et d’organiser notre passage du Canal pour la fin Février. Et croyez nous, ce n’est pas chose aisée. Premièrement parce que la seule marina de la baie se trouve à l’opposée de la ville et qu’il faut 1h de taxi pour y parvenir. Deuxièmement car il faut courir dans quelques 4 bureaux différents pour faire notre entrée sur le territoire ainsi que celle du bateau, s’inscrire pour le passage du canal et payer ledit passage après qu’un inspecteur soit venu mesurer la longueur exacte de Williwaw. Heureusement nous tombons sur un super chauffeur qui connait parfaitement les rouages et nous guide à la perfection.
Une fois les formalités assurées et l’achat de 75 seaux effectué, nous remettons les voiles pour une quinzaine d’heures direction les San Blas. Jan-Michel, Brésilien mais Français d’adoption, est notre contact local et il nous met rapidement en relation avec Plas un indien Kuna qui tient un hôtel restaurant sur son île (Tortuga) et qui est enchanté par le projet. Plas s’engage à nous guider vers les îles les plus nécessiteuses en filtres et à nous fournir des langoustes à volonté. Hmmmm !
Il faut savoir que les San Blas regroupent pas moins de 365 îles. On dit souvent qu’il y en a une pour chaque jour de l’année. Pas bête ! Il y a environ 50 000 Kunas qui peuplent ces îles et qui sont répartis en 52 communautés. Les San Blas étaient assez coupées du monde jusqu’il y a 6 ans. Avec la construction d’une route qui vient de Panama city, l’archipel s’est ouvert au tourisme et à l’argent qu’il rapporte. Jusqu’alors les indiens n’avait pas le mot « argent » dans leur langue natale (Le Kuna) et ne faisaient que du troc avec des noix de coco, du poisson ou des bananes. Mais depuis l’ouverture au tourisme, le développement a atteint les îles les plus rapprochées de la route. On y trouve des panneaux solaires et des paraboles qui offrent un nouveau confort à ces indiens.Cependant l’accès à l’eau douce et potable reste toujours problématique. Les îles villages sont souvent reliées à une rivière par une canalisation et stockent de l’eau douce avant de la consommer. Malheureusement l’eau de cette rivière n’est ni contrôlée ni traitée. Les autres îles viennent chercher de l’eau avec des bidons chez ceux qui sont reliées à la rivière.
Il faut agir ! Nous ciblons rapidement, grâce à Plas, 5 îles bénéficiaires de nos filtres. 4 d’entre elles sont assez petites et nous y déposons entre 4 et 6 filtres. La cinquième, Atchutupu, l’île où a grandi Plas, regroupent 300 maisons pour environ 3000 habitants. Elle est située assez loin de la route et ne bénéficie pas du tourisme que nous avons vu dans les premières îles. Nous y faisons notre plus grosse distribution depuis le départ, avec 53 filtres. Pour ce faire nous avons d’abord rencontré les chefs du village dans la case du conseil. Les Sahilas (chefs du village) sont allongés dans des hamacs au milieu de cette immense case et nous accueillent avec de grands sourires. Nous leur avons expliqué notre projet, les dangers de l’eau insalubre et les bienfaits du filtre que nous leur offrons. Ils ont étés très réceptifs et enthousiastes et nous avons pu aisément organiser la distribution des 53 filtres. Priorité bien-sûr aux salles de classe de l’école et au centre médical. Comme toujours, nous voulons qu’un maximum de personnes puisse avoir accès à de l’eau filtrée. Le lendemain matin nous revenons sur l’île avec tout notre matériel et commençons la sensibilisation. Romain prend les commandes et explique à toute l’assemblée l’importance de l’eau, de la filtration et de l’entretien du filtre. Après une démonstration générale tout le monde met la main à la pâte pour monter les 53 kits. Les Kunas nous montrent comme ils sont organisés en répartissant les tâches en divers ateliers de montage. Ce sont nos meilleurs élèves depuis le début de notre aventure. Après l’effort, vient le réconfort et nous sommes invités à boire un jus de banane accompagné de noix de coco typique des San Blas avant une visite guidée de l’île. Un vrai moment de partage quoique un peu court à notre goût. C’est vrai que nous aurions aimé partager un repas ou une cérémonie avec ces gens, mais il faut certainement des mois avant d’y parvenir.
La tradition Kuna est en effet assez stricte sur le mélange avec les non-Kunas. La communauté n’accepte pas (ou peu et depuis très peu) les mariages entre les Kunas et les étrangers. Serait-ce là la cause qui fait que ces échanges restent pour la plupart malheureusement très superficiels ? Nous avons souvent été étonnés par le manque d’intégration que nous avons eu. Nous pensons que cela est dû à une culture traditionnelle fortement ancrée. Les Kunas tentent de résister au développement et à la mondialisation pour entretenir leurs traditions mais pour combien de temps encore? Nous avons vu tous ces panneaux solaires, ces paraboles, ces écrans plats et ces téléphones signes qu’il est aujourd’hui difficile d’échapper au monde civilisé. Les Kunas ouvreront-ils leur porte plus facilement grâce à cette ouverture sur le monde dont ils commencent tout juste à bénéficier ?
Le retour vers Colón se fait assez rapidement bien que nous nous arrêtons tous les soirs car il est trop dangereux de naviguer de nuit entre les récifs coralliens des San Blas. Nous allons maintenant tourner la page Atlantique pour ouvrir celle du Pacifique en traversant le mythique canal de Panama.
Après quelques jours passés dans une marina côté Atlantique, nous sommes fin prêts pour notre voyage vers le plus grand océan du monde. Plas nous a rejoint car nous avons besoin d’être au moins 5 à bord pour les manœuvres dans les écluses. Au programme : 6 écluses, la traversée de deux lacs artificiels, et environ 24h dans l’eau douce.
Samedi 27 Février au matin (joyeux anniversaire Thomas), nous partons vers la zone d’attente de passage du canal où nous rejoindra le premier pilote pour le passage des 3 premières écluses. Nous partons vers 18h en compagnie de « Lady Amber » un joli deux-mâts qui passera les 3 portes à nos côtés. L’expérience est impressionnante, les portes font plus d’une quinzaine de mètres de hauteur et on se sent tout petit dans ces écluses. Après deux heures d’ascenseur, nous arrivons dans le lac artificiel de Gatún, la plus grande réserve d’eau douce du pays, où nous passerons la nuit. Dimanche 28 Février, 8h du matin, arrive le second pilote qui nous fera traverser le canal et passer les 3 écluses pour redescendre dans le Pacifique. La traversée du lac de Gatún se fait en 4h et nous y croisons pas mal de géants des mers : pétroliers, porte-containers, ferry… On se sent encore tout petit dans ce lieu réservé aux très grands. Enfin en début d’après-midi, nous passons les 3 dernières écluses et nous apercevons le grand Pacifique. Cet océan plein de promesses nous portera pour plus d’une année complète. C’est avec beaucoup d’excitation que nous faisons connaissance. Qui sait les surprises qu’il nous réserve ? Pour le savoir il faut se jeter dans le grand bain.
La suite de nos aventures au Nicaragua dans la région de Chinandega s’annonce forte en émotions.